Les villes cultivées, une solution vers l'auto-suffisance alimentaire
08 Avril 2016 | Par Sandrine | Ma vie Autrement
Selon une étude récente publiée par la revue Environmental Research Letters , 40 % des cultures mondiales sont cultivées en zones urbaines et périurbaines. Voilà une chiffre qui interpelle et on se peut poser la question suivante : les villes pourront-elles un jour produire elles-mêmes la nourriture nécessaire à leurs habitants ?
Il est certes, trop tôt pour y répondre, mais l'agriculture urbaine est un des thèmes qui intéresse à la fois les agriculteurs, les architectes des villes de demain, les États et les consommateurs. L'idée est de réunir deux mondes qui a priori tout oppose : le monde urbain et le monde agricole.
Pourquoi ?
Il existe deux raisons principales.
La première résulte de la méfiance croissante des consommateurs suite aux différents scandales dans le secteur agricole et alimentaire. Cet argument n'est pas nouveau. La crise de la vache folle dans les années 90 a eu pour conséquence l'effondrement de la consommation de la viande bovine. La peur de la transmission de la maladie à l'homme a déclenché dans les esprits un principe de précaution. Un récent cas de vache folle a encore été confirmé le 24 mars 2016 dans les Ardennes. Le consommateur exige donc de connaître la traçabilité des produits qu'ils consomment. Aussi, l'agriculture urbaine, au cœur des villes, est synonyme d'une agriculture de proximité. Il faut savoir que la population urbaine en France représente tout de même 79 % , d'après les données de la Banque Mondiale. L'agriculture urbaine est donc un marché d'avenir, dont le levier économique est établi par le lien direct entre le consommateur et le producteur.
La seconde raison puise son fondement dans la volonté de lutter contre la pollution en limitant l'expansion des zones commerciales et pavillonnaires autour des villes. Ce contrôle raisonné a pour but de proposer un monde urbain plus dense qui limite ainsi les déplacements de la population qui y réside.
Comment ?
Les solutions, bien qu'encore coûteuses pour certaines, sont réelles et sont possibles à différentes échelles et répondent à deux contraintes : limiter les nuisances et faire face à la contrainte foncière. Elles sont étudiées par l'ensemble des pays mondiaux. Elles peuvent consister en un développement des exploitations traditionnelles existantes et des jardins ouvriers, ou encore dans la création de fermes verticales, ou aussi dans la production agricole en bâtiments et sur les toits.
1- Développer les exploitations agricoles et maraîchères traditionnelles.
Ferme Bio Marseille Quartier Nord
Selon un rapport récent commandé par le ministère de l'agriculture et de la pêche, intitulé « La filière agricole au cœur des villes en 2030 », aujourd'hui plus d'une exploitation francilienne sur cinq est engagée dans une forme de commercialisation de type produit court. L'Ile de France est la première région agricole française, avec 48 % de sa surface consacrée à l'agriculture. Cela peut étonner, cependant deux millions de tonnes de blé tendre sont produits en Ile de France par an. 16 % des exploitations parisiennes sont en circuit court et proposent des cueillettes à la ferme, le retrait de paniers de produits locaux notamment au sein des AMAP. Plus au sud, dans les quartiers nord de Marseille, une ferme bio s'est installée en pleine ville. Marie Maurage y est éleveuse de chèvres, de vaches et de cochons… . De l'autre côté de la Manche, au Royaume-Uni, des élevages d'animaux sont également autorisés en ville. Ce n'est plus la ferme à la campagne, mais à la ville.
2- Favoriser les jardins ouvriers.
Cette solution est à l'échelle des quartiers. Elle a un double avantage. D'une part, elle répond à un besoin alimentaire, et d'autre part, elle contribue à tisser du lien social et améliorer le vivre ensemble. Aux États-Unis, les jardins dits communautaires sont extrêmement répandus et sont créés à l'initiative des communautés défavorisées. Les surplus de la production sont vendus sous la forme de paniers. En France, les jardins ouvriers étaient nombreux jusqu'au milieu du XXème siècle. Ils ont ensuite perdu leur vocation première. Aujourd'hui, ils jouent un rôle de cohésion sociale, et répondent plus à un besoin de nature souhaité par la population urbaine. Ils mériteraient d'être réhabilités et développés, car la vente des surplus sur les marchés n'existe quasiment plus.
3- Créer des fermes verticales.
crédit photo : Mark Stevens
Ces projets de fermes, auxquels participent les architectes urbanistes, proposent une autre conception de la ville qui doit tendre à terme à la souveraineté alimentaire. Ainsi, Dickson Despommier, un chercheur américain à l'Université de Colombia a imaginé une ferme urbaine qui permettrait de produire une quantité de nourriture suffisante pour nourrir 50 000 personnes, avec 2200 calories par jour. Shanghai développe aussi son propre projet appelé « Greenport », qui consiste à faire d'une île une zone de production de denrées agricoles pour approvisionner directement la ville.
4- Développer une production agricole en bâtiments et sur les toits.
Wholefood Brooklyn . culture des légulmes sur les toits
Produire en milieu urbain implique de surmonter une contrainte de taille, ou plutôt de superficie. Comment développer une production agricole lorsque le territoire est fortement urbanisé ? Singapour est un exemple de réussite. Il suffit de voir une photo de cette ville-état avec son urbanisme pour comprendre que le foncier est un obstacle majeur. Pourtant, Singapour a trouvé la solution en développant une production agricole en bâtiments. Ce type d'élevage hors-sol, bien que totalement contre-nature, permet d'éviter en ville les nuisances liées aux animaux, et offre un taux de rentabilité particulièrement intéressant. Singapour est auto-suffisant en porcs, et possède même des surplus de production en volailles et œufs. Les cultures sur les toits peuvent aussi permettre de surmonter le problème de place dans les villes pour développer une agriculture urbaine. Cela nécessite au préalable de recouvrir les toits d'une membrane étanche, puis de les enduire d'un répulsif pour les racines et d'installer une couche drainante. Cette méthode de culture est en plein essor depuis une dizaine d'année dans le monde. Une loi japonaise stipule que tous les nouveaux bâtiments avec une surface de toit supérieure à 1000 m² doivent être verts. Cette réglementation est un levier favorisant le développement des cultures intra-urbaines, bien que la mise en place de toits cultivés ait un coût élevé. L'intérêt est également d'améliorer la qualité de l'air en ville.
Au final,
Le monde se redessine et se pense différemment. Bien qu'ils aient longtemps été opposés, le milieu urbain et le milieu agricole se rapprochent pour permettre aux villes cultivées de devenir auto-suffisantes. Il n'existe pas de petites idées, ni de petits projets pour y arriver. La ville de Paris délivre « un permis de végétaliser » qui permet à celui qui le possède de choisir un coin de rue ou un pied d'un arbre pour cultiver des fleurs et des légumes. Le maire de Londres a lancé le projet « Capital Growth ». L'idée est d'utiliser les îlots verts, qui représentent tout de même un tiers de la surface de la capitale, pour faire pousser des productions alimentaires.
L'enjeu de l'auto-suffisance alimentaire est connu depuis plus de 30 ans, mais il devient de plus en plus urgent. Les pays industrialisés frappés par les crises sanitaires s'y intéressent et ont les capacités pour développer, une agriculture urbaine, proche des consommateurs, assurant une sécurité alimentaire rassurante. Malheureusement, ce réveil n'a aucun impact sur le milliard de gens qui n'a rien dans son assiette. On estime qu'une personne sur six dans le monde souffre de faim. Si la population mondiale croit, le nombre de personnes à nourrir aussi, mais ceux qui n'ont rien, n'auront toujours rien… La justice alimentaire n'est pas encore pour demain.
"Si chacun fait un geste, on change la ville, si on s'y met tous, on change le monde"
Les Incroyables Comestibles .
A propos de l'Auteure
Avec cet article, nous renforçons notre collaboration avec Sandrine Connault de l'Alchimiste des Mots,
Une plume, un style, des mots pour parler de PlusDeCoton et de ses engagements éco-responsables. Mais pas seulement, allez faire un tour sur son site et vous y découvrirez ses Merveilleuses Chroniques.
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